Depuis 2018, la journée de carence s’applique systématiquement aux agents de la fonction publique en cas d’arrêt maladie, sans distinction entre maladies courtes ou pathologies lourdes. Ce mécanisme ne concerne pas les congés de maternité ni les accidents du travail, contrairement à d’autres formes d’absence.
Le taux d’absentéisme dans la fonction publique atteint 9,5 %, contre 5,3 % dans le secteur privé, selon les dernières données de la Dares. La mise en place de la journée de carence suscite des débats sur son efficacité réelle face à l’absentéisme, tout en soulevant des questions sur l’équité et la protection sociale des agents concernés.
Comprendre la journée de carence dans la fonction publique et son origine
Depuis sa réactivation en 2018, le jour de carence s’impose à tous les agents publics : titulaires, stagiaires ou contractuels. Dans les faits, le principe est limpide : le premier jour d’arrêt maladie n’est pas payé. Cette retenue touche chaque nouvel arrêt, peu importe le versant de la fonction publique ou la nature de la mission. Aucun traitement de faveur : traitement de base, primes et indemnités sont amputés du trentième de la rémunération mensuelle. Seuls le supplément familial de traitement et la garantie individuelle du pouvoir d’achat y échappent.
Le cadre législatif n’a cessé d’évoluer. La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 a réinstauré le jour de carence, mettant fin à la courte période durant laquelle il avait disparu. Plus récemment, la loi n°2023-567 du 7 juillet 2023 et la loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023 ont étendu la liste des situations exclues de cette retenue, comme l’interruption de grossesse ou le décès d’un enfant. Ces ajustements traduisent une prise en compte, partielle mais réelle, de certaines vulnérabilités individuelles.
Pourquoi ce dispositif ? L’objectif affiché : mieux contrôler l’absentéisme et limiter les dépenses publiques. Derrière la mesure, une volonté d’harmoniser les règles entre fonctionnaires et salariés du privé, tout en préservant un filet de sécurité pour les situations les plus délicates. Pour chaque agent, cette retenue impose une gestion différente de la maladie et du rapport au service, instaurant une pénalité qui pèse sur la perception des droits autant que des obligations.
Quels sont les taux d’absentéisme dans le public et le privé ? Analyse des chiffres récents
La question de l’absentéisme pour raison de santé nourrit beaucoup de fantasmes autour de la fonction publique. Pourtant, les chiffres récents nuancent les discours habituels. Les dernières analyses de l’INSEE montrent que le taux d’absentéisme pour maladie dans le public n’a rien d’extravagant par rapport au privé. Les agents publics ne désertent pas massivement leur poste ; la proportion de ceux absents au moins une fois dans la semaine se rapproche de celle du secteur privé, même si les contextes de travail diffèrent.
Un détail pèse dans la balance : la cour des comptes rappelle que la longueur des arrêts maladie est plus élevée dans le public, notamment à cause d’une population plus âgée et de métiers plus éprouvants, comme à l’hôpital ou dans l’éducation. Les arrêts brefs, ceux que cible la journée de carence, ne comptent que pour une part minoritaire des absences. La majorité du phénomène tient aux arrêts prolongés, peu affectés par cette mesure.
Les études convergent : la cour des comptes et l’INSEE s’accordent à dire que l’impact du jour de carence sur la baisse de l’absentéisme reste très relatif. Même si l’on observe, par exemple à l’éducation nationale, un repli des arrêts très courts, cet effet ne dure pas. Au bout du compte, l’absentéisme se nourrit de réalités complexes, conditions de travail, organisation des services, état de santé, qui échappent largement à la mécanique d’un simple jour non payé.
Congés maladie : enjeux, règles et spécificités pour les agents publics
Gérer un congé maladie dans la fonction publique, c’est composer avec un système à la fois structuré et foisonnant. Les agents, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, disposent d’un éventail de dispositifs adaptés à la variété des situations. Voici les principaux types de congés maladie auxquels ils peuvent prétendre :
- congé de maladie ordinaire (CMO)
- congé de longue maladie
- congé de longue durée
- CITIS (invalidité temporaire imputable au service)
- Congé maternité ou paternité
- Accident de service
- Maladie professionnelle
- Affection de longue durée (ALD)
Chaque type de congé s’accompagne de règles précises, patiemment construites au fil des réformes. Pour l’arrêt maladie ordinaire, le jour de carence s’applique sans distinction depuis 2018, frappant fonctionnaires titulaires, stagiaires et contractuels. Résultat : le premier jour d’arrêt, quel qu’il soit, n’est pas rémunéré. Mais il existe des exceptions, élargies récemment par la loi n°2023-567 du 7 juillet 2023 et la loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023 : congé maternité ou paternité, accident de service, maladie professionnelle, ALD (pour trois ans), décès d’un enfant dans les 13 semaines, interruption de grossesse, toutes ces situations échappent à la retenue.
Deux rappels pratiques s’imposent :
- L’avis d’arrêt de travail doit être transmis à l’administration dans les 48 heures.
- Si deux arrêts consécutifs pour la même pathologie sont séparés par moins de 48 heures, le jour de carence ne s’applique pas au second arrêt.
Les règles qui encadrent la gestion des arrêts maladie dans la fonction publique reflètent une tension permanente entre contrainte budgétaire et souci de protection sociale. Elles traduisent aussi la complexité des choix politiques qui façonnent le quotidien des agents, et l’équilibre recherché entre efficacité du service et reconnaissance des réalités humaines.
La journée de carence : un dispositif efficace pour limiter l’absentéisme ou une mesure pénalisante ?
Le jour de carence alimente les prises de position les plus tranchées. Pour l’exécutif, il représente un outil pour freiner la dépense publique et responsabiliser les agents, surtout sur les arrêts courts. Concrètement, la retenue vise le trentième de la rémunération mensuelle, traitement indiciaire, primes et indemnités sont concernés, tandis que le supplément familial de traitement (SFT) et la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) sont préservés.
La logique affichée : rapprocher le fonctionnement public de celui du privé, en incitant à limiter les arrêts brefs. Pourtant, l’INSEE met en lumière une efficacité toute relative : l’absentéisme global ne s’effondre pas, et plusieurs rapports notent un déplacement des absences vers des arrêts plus longs, moins pénalisés.
Du côté des syndicats, la colère gronde. Mylène Jacquot (CFDT) fustige la stigmatisation d’un personnel déjà sous pression. Christian Grolier (FO) y voit une remise en cause du respect dû aux agents. Les représentants des collectivités dénoncent une sanction aveugle, qui frappe aussi bien les plus vulnérables que les précaires.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 va encore plus loin : trois jours de carence, rémunération abaissée à 90 % pendant trois mois. Jordan Bardella (RN) salue la mesure, Manuel Bompard (LFI) s’y oppose fermement. En filigrane, une réalité demeure : le jour de carence s’invite dans le quotidien des agents, sans que ses effets sur l’absentéisme ne fassent l’unanimité.
La journée de carence, en définitive, trace une frontière mouvante entre équité, efficacité et reconnaissance. À chaque agent de la fonction publique, la question revient : faut-il payer le prix d’un jour pour défendre sa santé ou préserver la caisse de l’État ? Le débat, lui, est loin d’être refermé.